Un abandon de créance pour préserver le chiffre d’affaires : une aide commerciale déductible ?

Une aide consentie afin de développer une activité n’ayant pas généré de chiffre d’affaires mais dont les perspectives ne sont pas purement éventuelles peut présenter, selon le Conseil d’État, un caractère commercial et ainsi être déductible.

Sauf exception, les aides autres qu’à caractère commercial sont par principe exclues des charges déductibles (CGI art. 39,13). Les aides à caractères financier ne peuvent ainsi pas venir en déduction du résultat de l’entreprise. La question s’est posée de savoir quelle qualification donner à un abandon de créance réalisé par une société-mère au profit de sa filiale.

Les faits. Une société ayant une activité informatique a concédé à sa filiale une licence d’utilisation de son savoir-faire relatif à une technologie, dite RT2i, concernant la fabrication de produits à partir de matériaux composites. Cette concession ne prévoyait pas le versement de redevances mais les perfectionnements apportés par la filiale au savoir-faire concédé par la mère demeuraient la propriété exclusive de cette dernière. À la suite des difficultés financières de la filiale, la société mère lui a consenti un abandon de créances. L’administration fiscale a remis en cause la déductibilité de cet abandon au motif que l’aide n’avait pas un caractère commercial.

La décision. Le juge rappelle que la circonstance qu’une aide soit motivée par le développement d’une activité qui, à la date d’octroi de cette aide, n’a permis la réalisation d’aucun chiffre d’affaires est néanmoins susceptible de conférer à l’aide un caractère commercial si les perspectives de développement de cette activité n’apparaissent pas, à cette même date, comme purement éventuelles. Il relève qu’à la date à laquelle l’abandon a été consenti, l’activité informatique de la société mère ne présentait plus qu’un caractère résiduel, tandis que les perspectives de développement commercial de la technologie RT2i dont elle était propriétaire apparaissaient sérieuses grâce aux perfectionnements qu’y apportait la filiale dans le cadre du contrat de licence de savoir-faire et d’assistance technique conclu entre les deux sociétés. Il décide donc que l’abandon de créances doit être regardé, dans les circonstances de l’espèce, comme revêtant à titre prépondérant un caractère commercial alors même qu’il pourrait avoir été motivé pour partie, compte tenu des difficultés financières rencontrées par la filiale à cette époque, par des considérations d’ordre financier.

À noter. Un abandon qui ne viserait pas à préserver un chiffre d’affaires existant mais à sauvegarder les perspectives d’un chiffre d’affaires futur peut ainsi revêtir un caractère commercial. Tel peut être le cas lorsque les sociétés concernées se trouvent dans une phase de démarrage d’une nouvelle activité, et tout particulièrement en présence d’une activité innovante reposant sur des travaux de recherche et développement entrepris sur un temps économique relativement long avant d’espérer un retour sur investissement. Au cas présent, la société mère, propriétaire de la technologie, a pu bénéficier des retombées économiques des travaux réalisés par sa filiale. Ainsi, tant que les travaux de recherche ne sont pas achevés et qu’il existe un potentiel de valorisation complémentaire de l’actif appartenant à la mère, il y a un intérêt commercial pour cette dernière à maintenir en vie sa filiale en difficulté.

 

CE 26-7-2023 n° 463846

© Lefebvre Dalloz

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