Nouvelles règles pour les droits à congés payés durant un arrêt de travail pour maladie

De nouvelles règles d’acquisition des congés payés durant un arrêt maladie et de report des congés non pris du fait d’une absence pour maladie sont entrées en vigueur le 24-4-2024. Ces règles s’appliquent également aux salariés en arrêt maladie avant son entrée en vigueur.

Rappel. L’article 37 de la loi 2024-364 du 22-4-2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) a mis en conformité avec le droit de l’Union européenne les dispositions de l’article L 3141-3 du Code du travail qui subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congés payés par un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un arrêt de travail pour maladie non professionnelle et celles de l’article L 3141-5, 5° du Code du travail qui limitent à une durée ininterrompue d’un an les périodes de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congés payés (voir Les lettres mensuelles des affaires de novembre 2023, n° 429, P. 7 et de mars 2024, n° 433 p. 7). Voici les changements intervenus depuis le 24-4-2024.

Acquisition des congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie ou accident

Périodes d’arrêt de travail pour AT-MP : acquisition de 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois, sans limitation de durée. Pour la détermination de la durée des congés payés du salarié, les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle (AT-MP) sont désormais considérées comme des périodes de travail effectif, sans limite d’une durée ininterrompue d’un an (C. trav art. L 3141-5, 5° modifié). L’acquisition des congés payés n’est donc plus limitée à la première année d’arrêt de travail pour AT-MP. Les périodes de suspension du contrat de travail pour AT-MP continuent à ouvrir droit à 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois d’arrêt et à 30 jours ouvrables de congés en cas d’arrêt de travail durant toute la période de référence pour l’acquisition des congés payés (soit 5 semaines par an).

Rappel. À défaut d’accord d'entreprise ou d'établis-sement ou d’une convention ou d’un accord de branche, la période de référence pour l’acquisition des congés payés est fixée du 1er juin de l’année N − 1 au 31 mai de l’année N (C. trav. art. R 3141-4, al.1), soit pour l’acquisition des congés de 2024, du 1-6-2023 au 31-5-2024.

Périodes d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle : acquisition de 2 jours ouvrables de congés payés par mois. Pour la détermination de la durée des congés payés, les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel sont considérées comme périodes de travail effectif (C. trav. art. L 3141-5, 7° modifié), mais ne permettent d’acquérir que 2 jours ouvrables de congés payés par mois, dans la limite de 24 jours ouvrables (80 % de 30 jours ouvrables) par période de référence pour l’acquisition des congés, soit 4 semaines par an (C. trav. art. L 3141-5-1 nouveau).

Exemple. Sur la période de référence d’acquisition des congés payés allant du 1-6-2023 au 31-5-2024, un salarié a été absent 2 mois pour maladie non professionnelle. Il a acquis 2,5 jours ouvrables durant 10 mois (soit 25 jours ouvrables) + 2 jours ouvrables durant 2 mois (soit 4 jours ouvrables). Au total, il a acquis 29 jours ouvrables (au lieu de 25 jours auparavant).

Salariés intérimaires. Le salarié temporaire a droit à une indemnité compensatrice de congés payés pour chaque mission qu'il effectue. Le montant de l'indemnité est calculé en fonction de la durée de la mission et ne peut être inférieur au 1/10e de la rémunération totale brute perçue par le salarié pendant la mission. L'indemnité est versée à la fin de la mission. Pour l'appréciation des droits du salarié, sont désormais totalement assimilées à un temps de mission les périodes de congé de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ainsi que les périodes d’arrêt de travail pour cause d’accident ou de maladie, professionnel ou non (C. trav. art. L 1251-19, 1°et 2° modifié).

Adaptation du calcul de l’indemnité de congés payés selon la règle du 1/10e. Le congé payé annuel ouvre droit à une indemnité égale au 1/10e de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence. Pour déterminer la rémunération brute totale servant au calcul de l’indemnité de congés payés calculée selon la règle du 1/10e, sont pris en compte :

  • la totalité de la rémunération correspondant aux périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’ AT-MP (C. trav. art. L 3141-24, I-3° modifié) ;
  • 80 % de la rémunération correspondant aux périodes de suspension du contrat de travail pour cause de maladie ou d’accident non professionnel (C. trav. art. L 3141-24, I-4°nouveau).

Exemple. Sur la période de référence d’acquisition des congés payés du 1-6-2023 au 31-5-2024, un salarié rémunéré 3 500 € par mois a été absent 2 mois pour maladie non professionnelle. Il a acquis 29 jours ouvrables de congés payés (voir exemple ci-dessus). Sa rémunération brute totale servant au calcul de l’indemnité de congés payés selon la règle du 1/10e est de : (10 × 3 500 €) + (2 × 3 500 € × 80 %) = 35 000 € + 5 600 € = 40 600 €.

Information du salarié sur ses droits à congés payés. À l’issue d’un arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident, l’employeur doit informer le salarié, dans le mois suivant sa reprise du travail, du nombre de jours de congé dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ses jours de congé peuvent être pris. Ces informations doivent être communiquées au salarié par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie (C. trav. art. L 3141-19-3 nouveau).

Report des congés non pris en raison d’un arrêt de travail pour maladie ou accident

Période de report de prise des congés payés d’au moins 15 mois. Lorsque le salarié est dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, qu’il soit professionnel ou non, de prendre au cours de la période de prise des congés tout ou partie des congés qu’il a acquis, il bénéficie désormais d’une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser. Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une durée pour la période de report supérieure à la durée légale (C. trav. art. L 3141-19-1, al. 1, L 3141-20 et L 3141-21-1 nouveaux).

Cette période de report de prise des congés de 15 mois débute :

  • à la date à laquelle le salarié reçoit, postérieure­ment à sa reprise du travail, les informations de l’employeur sur ses droits à congés payés (C. trav. art. L 3141-19-1, al. 2 nouveau) ;
  • à la date de fin de la période de référence d’acquisition des congés payés (soit le 31 mai de N) si, à cette date, le contrat de travail du salarié est suspendu pour maladie ou accident depuis au moins un an (C. trav. art. L 3141-19-2 nouveau). Si le salarié reprend le travail avant la fin de la période de report (avant que la période de report ne soit expirée), la période de 15 mois est suspendue jusqu’à ce que le salarié reçoive de l’employeur les informations sur ses droits à congés payés (C. trav. art. L 3141-19-2).

Exemple. Un salarié en arrêt de travail pour longue maladie (non professionnelle) du 1-4-2023 au 30-6-2024 inclus acquiert 24 jours de congés payés sur la période de référence légale du 1-6-2023 au 31-5-2024. La date limite pour prendre ses 24 jours de congés est de 15 mois à compter du 31-5-2024, soit jusqu’au 31-8-2025. Si le salarié reprend le travail le 1-7-2024, la période de report de 15 mois est suspendue jusqu’à ce que le salarié reçoive l’information sur ses droits à congés payés ; dans ce cas, la date limite pour prendre ses 24 jours de congés est le 31-8-2025 + le nombre de jours écoulés entre le 1-7-2024 (date de reprise du travail) et la date à laquelle le salarié reçoit l’information sur ses droits à congés payés.

Si l’arrêt de travail du salarié se prolongeait jusqu’au 31-8-2025 inclus, le salarié perdrait ses droits à congés payés acquis au titre de la période de référence légale du 1-6-2023 au 31-5-2024. En effet, le salarié ne reprenant le travail qu’après le 31-8-2025, la période de 15 mois, qui ne serait pas suspendue, prendrait fin le 31-8-2025.

Application rétroactive de ces nouvelles règles au 1-12-2009

Aux arrêts de travail pour maladie ou accident intervenus depuis le 1-12-2009. Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d’acquisition des droits à congés, ces nouvelles règles en matière d’acquisition de congés payés durant un arrêt de travail pour accident ou maladie non professionnel et de report de prise des congés payés s'appliquent également pour la période courant du 1-12-2009 au 24-4-2024 (date d’entrée en vigueur de la loi).

Toutefois, les congés supplémentaires acquis du 1-12-2009 au 24-4-2024 ne peuvent, pour chaque période de référence d’acquisition des congés payés, excéder 24 jours ouvrables de congés, après prise en compte des jours déjà acquis pour la même période.

À noter. La loi ne prévoit pas d’application rétroactive concernant la suppression de la limite d’une année pour les périodes de suspension du contrat de travail pour AT-MP permettant l’acquisition de congés payés (Loi art. 37, II-al. 1 et 2).

Rappel de droits à congés payés

Pour les salariés présents dans l’entreprise : 2 ans pour agir depuis le 24-4-2024. Toute action en justice en exécution du contrat de travail pour obtenir l’octroi de jours de congés payés au titre de périodes d’arrêt de travail pour maladie depuis le 1-12-2009 doit être introduite, à peine de forclusion, dans le délai de 2 ans à compter du 24-4-2024. Cette action pour obtenir des droits à congés payés concerne les salariés en poste dans l’entreprise (Loi art. 37, II-al. 3).

Pour les salariés dont le contrat de travail avec l’entreprise est rompu au 24-4-2024, c’est la prescription de 3 ans des actions en matière de paiement des salaires qui s’applique (C. trav. art. L 3245-1). Ces salariés ont donc 3 ans à compter de la rupture de leur contrat de travail pour réclamer en justice le paiement d’une indemnité de congés payés.

Traitement comptable

Les arrêts de travail au titre desquels les salariés concernés n’ont pas pu cumuler de congés payés sont susceptibles de donner lieu à une réclamation de la part de ces salariés.

Une provision pour risques peut donc devoir être constatée à ce titre s’il est estimé probable qu’une réclamation sera effectivement faite. L’enjeu porte notamment sur les arrêts de longue durée ou ceux inclus dans une négociation en cours plus globale (départ, litige…) pour lesquels la probabilité de sortie de ressources est plus importante.

Les arrêts de travail en cours et futurs doivent également donner lieu à un ajustement des dettes provisionnées pour congés payés.

Arrêts de travail en cours. Pour les arrêts de travail en cours, désormais les salariés acquièrent des droits à congés payés sur toute la période d’arrêt conformé­ment à la loi. Il convient donc de créditer les congés au compteur des salariés concernés au titre de cette obligation et d'ajuster les dettes provisionnées pour congés payés (compte 4282).

Exemple : un salarié en arrêt de travail pour lequel le compte de congés payés a été régularisé dans le bulletin de paie à sa demande ou spontanément par l'employeur.

Arrêts de travail pour raison non professionnelle passés enregistrés depuis 2009. Pour les arrêts de travail pour raison non professionnelle passés enregistrés depuis 2009, la nouvelle règle s’applique de façon rétroactive, dans la limite des règles de report précisées et en tenant compte des règles de prescription et de forclusion, c’est-à-dire :

  • pour les salariés présents dans l’effectif, en recensant les arrêts depuis 2009 ;
  • pour les salariés ayant quitté l’entreprise depuis moins de 3 ans, en recensant a minima les arrêts des 3 années précédant la rupture du contrat de travail, voire les arrêts depuis 2009 (en précisant laquelle de ces deux hypothèses a été retenue).

Pour les salariés ayant quitté l’entreprise depuis plus de 3 ans, en revanche, aucun passif ne devrait être à constater, en raison de la prescription.

Bon à savoir. En pratique, si l’entreprise a décidé avant la clôture 2023 de créditer des congés au compteur des salariés encore présents, elle doit ajuster la provision pour congés payés (compte 4282).

Engagement de verser une compensation financière à son personnel. Si l’entreprise a pris avant la clôture un engagement formel de verser une compensation financière à son personnel au titre des congés payés non octroyés, une dette est à comptabiliser à ce titre. En l’absence d’engagement, pris avant la clôture, de créditer le compte du salarié ou de lui verser une compensation financière, la sortie de ressources liée au risque de réclamation des salariés concernés doit être estimée selon les hypothèses raisonnables attachées aux arrêts de travail concernés à la date d’arrêté des comptes (salariés présents ou ayant quitté l’entreprise, nombre de salariés concernés, durée et ancienneté des arrêts, contexte social, contentieux en cours…).

Provision ou passif éventuel ? Si la sortie de ressources est probable ou certaine à la date d’arrêté des comptes, une provision pour risque doit être comptabilisée (compte 1511). Si la sortie de ressources n’est pas jugée suffisamment probable, il s’agit d’un passif éventuel non comptabilisé au bilan (PCG art. 321). Sauf si la probabilité de sortie de ressources est jugée faible, une information est à donner en annexe ce titre (nature du passif éventuel, estimation des effets financiers, indication des incertitudes relatives au montant ou à l’échéance de toute sortie de ressources ; PCG art. 833-12/2).

Conséquences fiscales

Fiscalement, les dettes provisionnées pour congés payés, correspondant aux congés crédités au compteur du salarié, sont déductibles fiscalement, sauf pour les entreprises ayant opté avant 1987 pour le maintien du régime fiscal alors en vigueur, soit leur déduction au titre de l’exercice de leur paiement.

Par ailleurs, en cas d’engagement formel de verser une compensation financière à son personnel, la dette qui en résulte relève alors de la catégorie des provisions pour charges de personnel, déductibles fiscalement (BOI-BIC-PROV-30-20-10 n° 1).

En revanche, en l’absence d’engagement formel, le régime de la provision est à notre avis celui des provisions pour litiges : en l’absence de demande d’indemnisation formalisée contre l’entreprise à la clôture, la provision n’est en principe pas déductible fiscalement (CE 7-8-2008 n° 287712), sauf à envisager au cas par cas et, en fonction des circonstances, à se placer sous une jurisprudence plus souple. Le Conseil d’État a en effet jugé que la probabilité d’un risque de charges salariales supplémentaires pouvait résulter, pour une caisse de banques mutualistes, d’actions judiciaires engagées par des salariés d’autres caisses, dès lors que ces actions se fondaient sur un accord salarial applicable à l’ensemble des caisses (CE 24-5-2000 no 185647).

 

Loi 2024-364 du 22-4-2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne art. 37, JO du 23

© Lefebvre Dalloz

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